Depuis quelques années, les ventes de thé matcha explosent à l’international : bienfaits miracles, latte à la mode mais aussi contrefaçons… pourquoi un tel engouement pour ce thé en poudre ? Ce mois-ci, nous vous présentons le thé matcha dans toute son authenticité, pour comprendre son histoire et sa place dans la culture de l’archipel.
Histoire
Originaire de Chine, le théier (camellia sinensis) aurait été importé au Japon aux alentours du 8e siècle. Il était alors consommé par les élites sous forme de feuilles cuites, séchées puis compactées en disques solides, qui étaient ensuite grillés et réduits en poudre pour être infusés. Cette façon de déguster le thé est par ailleurs encore courante en Chine aujourd’hui. C’est entre le 10e et le 13e siècle que l’habitude de consommer du thé en poudre, connu sous le nom de mocha 末茶, se serait développée sur le continent, avant d’être importée au Japon et de se répandre en particulier auprès des moines qui pratiquaient l’ascèse. Les bienfaits du thé commencèrent alors à être étudiés par ces derniers, en particulier dans la région d’Uji au sud de Kyoto où la culture de théiers a commencé à être développée.

« Gâteau » de thé, un type de de préparation et de conservation du thé encore largement utilisé en Chine
C’est à partir du 16e siècle que le thé matcha connut un essor particulièrement important, grâce au maître de thé Sen no Rikyû qui développa une cérémonie codifiée autour de cette denrée précieuse. Tandis que l’archipel était secoué par les guerres civiles, la production de thé et la cérémonie du thé devinrent des questions politiques, et un atout stratégique pour les pouvoirs en place.
Sen no Rikyû, peinture sur soie, fin 16e – début du 17e siècle
Par la suite, durant la période de paix qui marqua l’époque Edo (1603 – 1868), la cérémonie du thé fut adoptée par les élites et la classe guerrière des samouraïs. Ainsi normalisée et adoptée par le shogunat, le pouvoir militaire en place, sa pratique s’étendit à tout le pays. La culture du théier et ses variétés fut également raffinée, avec entre autres le développement de cultivars mi-ombragés, essentiels pour la production de thé matcha. Puis, durant l’ère Meiji et son « occidentalisation » à la fin du 19e siècle, l’association faite entre la cérémonie du thé et la classe guerrière (symbole du régime politique déchu) entraîna une perte de popularité de cette pratique, avant de connaître un regaind’intérêt dans le courant du 20e siècle.
Production
Comment le thé matcha est-il cultivé ? En premier lieu, ne peut pas devenir thé matcha qui le veut : la variété de théier destinée à devenir ce produit noble est connue au Japon sous le nom de tencha 碾茶 (littéralement « thé à meule »). Certaines autres variétés nobles, telle que le gyôkurô, peuvent également être destinées à la transformation en matcha.

Développée vraisemblablement aux alentours du 16e siècle dans la région d’Uji, la culture couverte mi-ombragée des théiers permet à la fois de protéger les jeunes feuilles du gel, et de les pousser à produire cette couleur verte intense à la recherche de soleil. Les arbustes étaient traditionnellement couverts de paille et surplombés par un treillis de bambous recouvert de roseaux pour les protéger du soleil. Cependant, avec l’industrialisation et l’augmentation de la demande en thé matcha à l’international, beaucoup d’entreprises ont fait le choix d’une culture avec des matériaux artificiels. De même, la récolte des feuilles qui se faisait autrefois intégralement à la main a été remplacée dans un grand nombre de jardins de thé par une récolte mécanique.
Une fois récoltées, les feuilles sont cuites à la vapeur pendant une dizaine de secondes afin de supprimer les agents d’oxydation naturellement présents dans les feuilles. Celles-ci sont ensuite séchées à basse température, ce qui leur permet de conserver leur couleur et leur douceur de goût, puis les feuilles sont séparées des tiges. Les feuilles sont ensuite broyées finement dans une meule de pierre, généralement en granit, pour obtenir la poudre matcha que nous connaissons. Ce processus n’a quasiment pas changé depuis le 12e siècle !

Bienfaits
Le séchage doux et la chaleur produite par la friction de la meule pendant la mouture permettent aux acides aminés contenus dans les feuilles d’être libérés. Cet acide constitue l’un des composés qui sont à l’origine du goût umami. Côté bienfaits nutritionnels, le thé matcha a l’avantage de contenir des protéines insolubles, des fibres alimentaires, des vitamines liposolubles (A, E, K) et de la chlorophylle. Riche en minéraux (magnésium, manganèse, et en métaux (fer, zinc, aluminium), le matcha est aussi un anti-oxydant, et aide à la perte et à la stabilisation du poids en réduisant les pics de glycémie. Il est également réputé pour renforcer le système immunitaire, favoriser la relaxation du système nerveux, prévenir certaines maladies neurologiques liées au vieillissement, ou encore réduire la mauvaise haleine. Attention cependant à la quantité consommée, car le matcha reste un produit concentré à déguster avec parcimonie : il contient en effet des doses plus importantes de caféine et de théanine qu’un thé vert classique.
Dégustation
Grâce à la culture en mi-ombre du tencha et à sa forte teneur en acides aminés, le thé matcha est particulièrement parfumé. D’autre part, ce goût est largement influencé par les fertilisants utilisés, la période et la quantité d’ombre et d’ensoleillement reçus, et la période de la cueillette. Tous ces éléments jouent un rôle déterminant, à la fois dans le développement du parfum du matcha, mais également dans le développement ou non d’amertume. C’est pourquoi la production du matcha est si onéreuse, nécessitant une attention continue et des soins minutieux, de la culture du thé jusqu’à la mouture de ce dernier.
L’un des critères de qualité d’un thé matcha, repérable à l’oeil nu, est sa couleur : un thé matcha de haute qualité sera généralement d’un vert profond, presque bleuté, tandis que des matcha de plus basse qualité présenteront une couleur davantage verte, tirant sur le kaki. Le degré de finesse de la poudre est un autre bon indicateur du degré de raffinement du thé.
Historiquement, le thé matcha est par conséquent utilisé dans la célèbre cérémonie du thé dite sadô. Il doit être préparé selon un rituel bien codifié, avec une eau douce (par opposition aux eaux dures, chargées en minéraux qui gâchent le goût du matcha) qui ne doit pas être trop chaude : 50 à 60°C pour un matcha Gyokuro, et jusqu’à 70°C maximum pour des matcha classiques. Au-dessus de cette température, le thé perd de sa saveur et développe immédiatement une amertume qui peut être désagréable en bouche.
De plus, l’appréciation du matcha n’est souvent pas un goût inné et peut demander une certaine accoutumance. Ainsi, les personnes habituées à boire régulièrement du matcha apprécieront plus un thé matcha de Kyushu, plus amer, que les personnes le découvrant et qui préfèreront par exemple un thé matcha d’Uji, plus doux.

Utilisé sec, le matcha entre également dans la composition de certaines nouilles telles que les cha-soba et cha-udon, ou dans des viennoiseries comme des brioches, des melon-pan, et même des pains. Si l’ajout de matcha dans les confiseries est un phénomène relativement récent, il n’est pas impossible que certains desserts à base de cette denrée précieuse aient existés dès le 16e siècle, sous forme de glace pilée sucrée et saupoudrée de matcha par exemple. C’est cepdendant avec l’influence des pâtisseries occidentales que les premières confiseries à base de matcha ont commencé à être commercialisées au Japon au début du 20e siècle, avant de connaître un réel essor dans l’après-guerre. Aujourd’hui, le thé matcha est particulièrement populaire dans le monde entier sous forme de latte, sucré ou nature, plus doux que sa version classique préparée avec de l’eau. Vous pouvez également l’intégrer à un grand nombre de recettes, comme dans un gâteau mille-crêpes ou même dans une garniture de galette des rois par exemple !

Sources
美味しい抹茶とは, (Qu’est-ce qu’un bon matcha?) Site de Yamamasa Koyamaen
抹茶のうれしい健康効果とは? (Quels sont les avantages du matcha pour la santé?) Site de Chayudo Sweets Kyoto Uji Style