La vaisselle pour le thé au Japon ne se limite pas seulement à de simples contenants pour déguster les différents thés, mais elle s’intègre dans un art de vivre qui célèbre la culture japonaise et son histoire.
Tasse ou bol ?
Chaque thé se déguste dans un contenant bien particulier, conçu pour valoriser ses arômes et sa préparation. Pour le matcha, un thé en poudre battu, on utilise un bol large et profond, appelé matchawan, qui permet au thé de se mélanger correctement avec l’eau chaude. En revanche, les thés comme le sencha ou le hojicha, qui sont en feuilles, sont souvent servis dans des yunomi, des petites tasses sans anse au design simple, utilisées couramment pour les repas au quotidien.
Le hojicha, puisqu’il est torréfié, possède une faible teneur en théine. Grâce à cela, il peut être consommé dans un mug ou une tasse plus grande, car il peut être bu en grandes quantités. Il convient ainsi parfaitement pour les moments de détente, même tard dans la journée.
Les petites tasses yunomi pour le sencha, quant à elles, peuvent être facilement détournées pour servir d’autres boissons comme le café. Cette polyvalence illustre bien la manière dont les objets japonais s’adaptent aux besoins modernes tout en gardant un lien fort avec la tradition.
Le bol à thé ou chawan, souvent un bol plus large, est utilisé pour plusieurs thés, mais le terme désigne aussi des plats sans lien avec le thé comme le chawan-mushi, une sorte de flan salé cuit à la vapeur. Le chawan devient alors un support culinaire polyvalent et illustre la flexibilité de cette vaisselle dans la culture japonaise.
De même, le terme chawan est également utilisé pour désigner le bol dans le lequel le riz est servi. Cette particularité trouve ses racines à l’époque Nara au 8e siècle, durant laquelle les objets en porcelaine étaient principalement importés de Chine. Parmi ces objets se trouvaient principalement des bols à thé, et le terme chawan s’est généralisé à l’ensemble de la vaisselle en porcelaine. Par la suite à l’époque Edo, les bols à thé ont progressivement commencé à être utilisé pour servir également le riz, à la place des bols en bois jusque là le plus souvent utilisés.
Malgré tout, il convient de retenir qu’hormis ces exceptions, le bol à thé est davantage destiné à un usage plus officiel et cérémoniel, par opposition aux yunomi et autres tasses.
La cérémonie du thé, développée au 16e siècle par le moine zen et maître de thé Sen no Rikyû, place la vaisselle au cœur de son rituel. Le bol à matcha est l’une des pièces les plus importantes de ce dernier, sélectionné selon la saison et souvent fait main, avec des formes et textures uniques qui reflètent la simplicité et l’imperfection, principes fondamentaux de l’esthétique wabi-sabi. Le natsume (boîte à thé laquée) et le chasen (fouet en bambou) sont d’autres éléments essentiels de la cérémonie et honorent la nature et l’artisanat. Chaque ustensile, des petites cuillères à thé au chakin (linge de purification), est manipulé avec une précision qui symbolise le respect du thé, des invités, et de l’instant présent.
L’importance de la théière
Les théières japonaises, ou kyûsu, sont indispensables pour les thés en feuilles comme le sencha et le gyokuro, deux thés verts délicats qui demandent une infusion précise. La kyûsu permet alors de contrôler la température de l’eau et le temps d’infusion, nécessaires pour extraire les arômes sans amertume. Leur origine fait cependant débat : importées de Chine où elles auraient servi en premier lieu à faire chauffer de l’eau ou de l’alcool, les théières kyûsu seraient apparues dans la culture japonaise dans le courant du 18e siècle, même si certains spécialistes estiment qu’elles auraient existé dès le 8e siècle au Japon. Elles étaient alors fabriquées en terre cuite et utilisées pour faire chauffer du saké, avant que leur utilisation évolue en théières telles que nous les connaissons aujourd’hui.
Les théières kyûsu se distinguent souvent par leur petite taille, car des thés comme le sencha ou le gyokuro se boivent en petites quantités pour mieux apprécier leurs saveurs raffinées. Ce choix d’infusion en petite théière met en valeur l’importance accordée à la qualité, plutôt qu’à la quantité. Elles sont également conçues en règle générale avec un filtre grillagé très fin directement intégré à l’intérieur du contenant, et sont donc particulièrement pratiques d’utilisation.
Ochazuke, une pratique historique
L’ochazuke est en un sens l’inverse du chawan-mushi : un plat à base de thé, qui n’est pas servi dans une vaisselle spécifique à ce dernier.
L’une des pratiques culinaires ancienne liée au thé au Japon est l’ochazuke, qui consiste à verser du thé chaud (généralement du sencha ou du hojicha) sur du riz. Ce geste, simple et économique, permet de finir le riz en lui ajoutant une saveur légère et aromatique. Le ochazuke est un exemple ancien de la manière dont le thé s’intègre à la cuisine japonaise, puisque la pratique remonte en effet à plus de mille ans ! A l’époque Heian (entre le 8e et 12e siècle), il était d’usage de finir un bol de riz en versant dessus de l’eau chaude. Cet usage a par la suite évolué durant l’époque Edo (entre le 16e et le milieu du 19e siècle) où l’eau chaude a été remplacée par le thé. Aujourd’hui, l’ochazuke s’est enrichi de nombreux ingrédients et est devenu un plat à part entière.