Les iwai-goto, ou littéralement « choses, événements à célébrer », sont souvent des occasions de réjouissances et de partage, mais aussi de connexion avec des traditions parfois millénaires. Nombreuses dans l’année, elles permettent surtout de souhaiter et de s’attirer bonne fortune et protection. Parmi les nombreux aspects culturels qui entourent ces festivités, la nourriture occupe une place de choix.
Certains plats emblématiques, comme le chimaki et le sekihan, sont indissociables des iwai-goto du mois de mai, apportant avec eux une symbolique profonde de bonne fortune et de protection.
C’est en effet au mois de mai qu’est célébré kodomo-no-hi, ou la fête des enfants. Autrefois dédiée aux garçons, elle trouve son pendant féminin dans le hina-matsuri, la fête des filles célébrée le 3 mars.

Le chimaki et la fête des garçons

Le 5 mai, plusieurs plats emblématiques se retrouvent donc sur les tables japonaises. L’un des plus connus, le kashiwa mochi, consiste en un mochi fourré à la pâte de haricots rouges et enveloppé dans une feuille de chêne.
Une autre sucrerie, beaucoup moins connue en France, est le chimaki.
Cette sucrerie est une sorte de galette préparée à base de riz gluant, qui est façonnée en forme de triangle ou de cône et enveloppée dans de larges feuilles de bambou. Les paquets sont ensuite refermés avec des tiges de jonc avant d’être cuits à la vapeur. Comme le riz n’est pas préalablement assaisonné, il prend le parfum des feuilles de bambou à la cuisson. Dans l’Est du Japon, le chimaki est servi le plus souvent sous sa forme triangulaire, dans une version salée. On rencontre également des versions avec de la pâte de haricots rouges.

Comme beaucoup de plats, on trouve une différence de préparation entre l’Est et l’Ouest du Japon. Dans le Kansai, le chimaki est davantage servi sous forme de cône, et il est de plus en plus courant d’en trouver préparés avec de la fécule de kuzu. On rencontre même une version particulière du chimaki appelée akumaki à Kagoshima, dans le sud de Kyushu, qui est aujourd’hui devenue une spécialité régionale. L’akumaki est cuit à la vapeur avec un mélange de soude dans des feuilles de bambou noir, ce qui lui confère un goût plus amer qu’un chimaki classique. C’est pourquoi il est aussi servi avec du sucre et du kinako.

Pourquoi alors manger du chimaki pour la fête des garçons ? L’histoire de ce plat remonterait à la Chine antique : des fidèles souhaitant porter des offrandes au royaume de Chu pour honorer le poète Qu Yuan (3e siècle av.JC) étaient harcelés par des dragons qui essayaient de leur voler leurs offrandes. Pour les en empêcher, les fidèles auraient alors enveloppé les offrandes avec des feuilles de renju, dont les dragons avaient horreur. Préparer des chimaki et les envelopper dans des feuilles de bambou serait par conséquent un moyen de se protéger et de conjurer le mauvais sort.
Une autre interprétation possible est liée au calendrier lunaire et au passage de saison entre le printemps et l’été. A cette période de l’année, le changement de temps et l’arrivée de la chaleur peuvent être facteur de maladies, d’où la nécessité de manger un plat riche et protecteur.


Kashiwa mochi et chimaki

Sekihan, le rouge de la bonne fortune

Le sekihan, autre plat emblématique des célébrations japonaises, est chargé de symbolisme et de tradition. Préparé à l’origine à partir de haricots azuki et de riz rouge, une variété ancienne cultivée au Japon depuis plusieurs millénaires, il incarne la couleur de la bonne fortune et de la protection contre les esprits malveillants. Cette association entre le rouge et la chance trouve ses racines dans le bouddhisme, où cette couleur est préférée pour éloigner le mal. En outre, le riz lui-même est un aliment sacré, et l’association des deux aliments fait donc du sekihan le plat idéal pour les célébrations.

Ce plat est consommé de façon certaine depuis l’époque Heian (794 – 1185). Au fil du temps, le riz gluant a remplacé le riz rouge dans la recette. Cependant, la couleur rouge distinctive du plat est préservée grâce à l’eau de cuisson des haricots azuki. Une fois les haricots azuki cuits, l’eau de cuisson est mise de côté et conservée pour pouvoir y faire tremper le riz. Ce dernier absorbe alors tous les nutriments perdus par les haricots durant la cuisson, faisant du sekihan un plat reconnu pour ses bienfaits pour la santé.

Le chimaki et le sekihan ne sont que deux exemples parmi un nombre incalculable de plats typiques des iwai-goto et leurs variantes. Cependant, tous sont porteurs de symbolisme et de sens, parfois issu du croisement et de l’évolution de diverses pratiques religieuses au sein de l’archipel. Ils nous transmettent une petite part d’histoire, incarnant la bonne fortune et la protection pour les générations présentes et futures.