Inde, Angleterre, puis Japon ?
Le curry est un mélange d’épices originaire d’Inde. Après des siècles et des siècles de commerce avec la Chine, difficile de croire qu’il n’a fait son apparition au Japon qu’à partir des années 1860 ! Ce sont en effet les Britanniques qui ont introduit le mélange dans le pays après la Restauration impériale de Meiji, qui a marqué l’essor du commerce international avec l’archipel.
Le mot « curry » fait son apparition en 1860, dans un dictionnaire édité par Fukuzawa Yukichi, où il est appelé « koruri ». Dans les années 1860 et 1870, les premiers contacts et échanges réguliers avec la Grande-Bretagne permettent à quelques militaires japonais de découvrir les rations de curry consommées à bord des navires. En 1872, un livre de cuisine, « Seiyō Ryōri Shinan » (Guide de la cuisine occidentale), introduit pour la première fois une recette de curry au Japon, bien que celle-ci utilise des ingrédients peu communs comme la grenouille. Le curry prend alors progressivement racine dans les habitudes alimentaires japonaises avec, en 1876, l’introduction du kare-rice (curry avec du riz) dans les menus de l’école agricole de Sapporo, encouragé par l’Américain William S.Clark, qui prône l’amélioration de la nutrition des étudiants.
Le curry devient populaire à Tokyo à partir de la fin des années 1870, où il est servi dans certains restaurants, et il est reconnu comme un plat culinaire appartenant à la cuisine japonaise dès la fin des années 1890.
S&B, la naissance de la poudre de curry japonaise
Le début du 20e siècle marque un tournant avec l’apparition du curry udon (nouilles udon au curry) en 1904. Dès le tout début du siècle, la popularité du curry a commencé à se développer dans l’ouest de Honshu à partir de la ville d’Osaka. Vendu très peu cher, servi chaud avec un oeuf cru, le curry devient vite un plat populaire auprès de la classe ouvrière. C’est par la suite en 1923 que Yamazaki Minejirō, fondateur de S&B Foods, lance la fabrication du premier curry en poudre de la marque.
Dans les années 1930, les premières poudres de curry destinées à la consommation domestique commencent ainsi à faire leur apparition dans les foyers. Cependant, la Seconde Guerre mondiale et le rationnement endiguent rapidement leur consommation, et la poudre de curry produite est principalement réservée à l’armée japonaise.
Le curry trouve définitivement sa place dans le quotidien des Japonais après la guerre. En effet, le célèbre curry en boîte rouge commence à être commercialisé dans les années 1950, et les années 1960 marquent l’arrivée du curry instantané et d’une différenciation entre curry doux pour enfants et curry épicé pour adultes.
L’innovation se poursuit dans les décennies suivantes, avec la création du premier curry en sachet prêt à réchauffer en 1968, et l’expansion des variétés dans les années 1980 et 1990. Durant ces années, la diversité des currys explose, incluant des options pour les personnes allergiques et les currys spécialisés pour enfants. Enfin dans les années 2000, l’évolution des modes de vie, le développement du marché des ménages individuels et l’intérêt croissant pour la cuisine internationale ont encore davantage enrichi les différentes déclinaisons du curry, maintenant omniprésent dans la culture culinaire japonaise.
A chaque région son curry ?
Comme une grande majorité des plats familiaux japonais, les habitudes de préparation du curry peuvent varier grandement d’une région à l’autre. Pour l’expérience, Naoko a interrogé la communauté japonaise : comment mangez-vous votre curry, et de quelle région êtes-vous originaire ? Et les résultats étaient très divers ! Combinés à une enquête de plus grande ampleur menée par l’entreprise House Foods en 2020, voici les grandes lignes des habitudes selon les régions :
En théorie, dans l’ouest de l’archipel et plus précisément dans la région d’Osaka-Kyoto et Kyushu, le curry est plus souvent préparé avec du boeuf. A l’est de Honshu dans la région de Tokyo, c’est l’inverse. En vérité, il est plus intéressant de se pencher sur la multitude de déclinaisons de ce plat en fonction des foyers : à base de porc et de bœuf bien sûr, mais également de poulet, de crevettes, voire même d’espadon pour des régions de pêche comme la préfecture de Miyagi, ou encore la région de Hokkaidô tout au nord. Les accompagnements ne sont pas en reste : carottes, pommes de terre et oignons entrent dans la préparation de base de la grande majorité des currys. A cela, viennent également s’ajouter des pommes, des raisins secs, du piment dans le sud du pays ou encore diverses variétés de champignons. A Osaka, il est encore courant de trouver le curry servi avec un oeuf cru sur le dessus, tandis que dans le sud à Kyushu, le fromage fait partie des toppings préférés pour accompagner le curry.
C’est également un plat extrêmement courant dans les cantines des écoles encore aujourd’hui. A l’extérieur, le curry est souvent servi dans les kissaten (équivalent des cafés ou salons de thé), dans les restaurants-cantines, ou encore dans certains restaurants spécialisés uniquement en curry dont le plus connu reste la franchise Curry House Coco.
Enfin, le curry est avant tout un plat familial, empli de nostalgie, et dont les habitudes de préparation se transmettent de génération en génération.
Sources :
. S&Bカレー.com
. Club Thermos – カレーをもっと美味しくしてくれる、魔法の調味料
. Kikkoman Institute for International Food Culture
. Enquête facebook IMA