Au Japon, la tradition du séchage des aliments remonte à plus de mille ans. Et ce n’est pas une simple légende : elle est attestée dans des documents officiels.
La plus ancienne mention figure dans les documents du Shōsōin (正倉院文書), conservés depuis le VIIIᵉ siècle. On y trouve des enregistrements d’impôts en nature sous forme de poissons séchés (comme le kitahi, poisson entier séché, ou le suhayari, filet de poisson séché). C’était une manière efficace de garantir la conservation des denrées jusqu’à la cour impériale.
Un siècle plus tard, le Engishiki (延喜式, compilé en 927) — recueil de lois et usages — mentionne l’envoi régulier d’algue kombu séchée depuis les régions du nord (notamment Hokkaidō) vers la capitale. Le séchage y apparaît déjà comme une technique de transformation à part entière, valorisée et organisée.
Aujourd’hui encore, cette tradition reste très présente dans la cuisine japonaise. Le séchage est un art : il conserve, il concentre, et parfois même il enrichit.
Une palette d’aliments séchés dans la vie quotidienne
Au Japon, les aliments séchés sont omniprésents dans les cuisines traditionnelles comme dans les repas du quotidien.
Parmi les plus courants : champignons shiitaké, algues (kombu, wakamé, nori…), bonite séchée (katsuobushi), radis blanc en lanières (kiriboshi daikon), kakis séchés (hoshigaki), patates douces séchées (hoshi-imo), poissons séchés (himono), fu (gluten de blé séché), et kanpyō (lanières de calebasse séchée)…
Autant d’ingrédients qui allient conservation, richesse nutritionnelle et profondeur de goût.
Bien sûr, la déshydratation des aliments est une pratique partagée par de nombreuses cultures à travers le monde — France comprise. Mais c’est aussi au Japon que cette technique a su se décliner en une incroyable variété de produits du quotidien, intégrés avec finesse dans les repas de tous les jours. Nous vous proposons ici un aperçu de cette richesse.
Parmi ces produits japonais, les algues ou la bonite séchée sont certainement plus connues. Mais pour cet article, j’ai choisi de mettre en avant un ingrédient que nous souhaitons vous faire (re)découvrir : le shiitaké séché.
Le shiitaké séché – Saveur profonde, bienfaits concentrés
Le shiitaké est bien plus qu’un champignon japonais séché. Séché, il devient un ingrédient d’exception, apprécié pour sa richesse en umami — on parle même de « shiitaké umami » dans certaines recettes végétariennes.
Un goût unique grâce à l’umami
Lorsqu’on sèche un shiitaké, on concentre non seulement sa saveur, mais on libère aussi un acide aminé naturel : le guanylate, qui donne une intensité umami remarquable. C’est ce qui fait toute la richesse des bouillons japonais (dashi), des plats mijotés, ou même des sauces végétales.
Une source végétale de vitamine D
Si le shiitaké est séché au soleil, il développe une teneur intéressante en vitamine D2, une rareté dans le monde végétal. Une aubaine pour ceux qui cherchent à diversifier leurs apports sans produits animaux.
L’excellence du shiitaké japonais
Le Japon est l’un des plus grands producteurs de shiitakés séchés de haute qualité, notamment cultivés sur bois naturel (genboku). Si la région de Kyushu est particulièrement réputée, on en trouve également dans d’autres régions forestières, comme l’île d’Awaji ou certaines zones montagneuses de Honshū.
Tous les shiitakés ne se valent pas. Ceux que nous proposons chez IMA proviennent de cultures sur bois naturel, appelées genboku. Le champignon y pousse lentement, à l’ombre des forêts, sur des bûches de chêne ou de châtaignier. Ce procédé ancestral donne un produit plus charnu, plus parfumé, plus profond.
Pour ceux qui recherchent une qualité supérieure, il est important de vérifier l’origine et la méthode de culture.

Et si cette découverte éveille votre curiosité, sachez qu’il est possible, selon la saison, de visiter l’île d’Awaji et d’y vivre une expérience de cueillette ou de culture du shiitaké. Le site de Takehara Genboku Shiitake offre un aperçu de ces forêts paisibles et de ce patrimoine vivant. Une destination à noter pour un prochain voyage au Japon !
Le shiitaké séché est un concentré de la nature, du temps… et du savoir-faire. Un véritable emblème du « champignon japonais séché » de qualité, reconnu pour sa richesse aromatique et ses bienfaits nutritionnels.
💡 Astuce : ne jetez surtout pas l’eau de trempage de vos shiitakés séchés ! Elle constitue un bouillon savoureux riche en umami, parfait pour vos soupes, sauces ou plats mijotés.
Autres trésors sucrés – et infusés – de la déshydratation japonaise
Si le shiitaké séché incarne la quintessence du séchage artisanal au Japon, d’autres produits méritent également le détour. Et ici, la logique est proche de celle des fruits séchés que nous connaissons bien en France : transformer un produit frais en douceur naturelle à la texture moelleuse.
Le hoshigaki – Kaki séché à la japonaise
Le hoshigaki, ou kaki séché japonais, est un fruit transformé avec patience. Véritable dessert japonais traditionnel, il incarne l’art de sublimer la nature par le temps et le geste. On utilise des kakis astringents — souvent de la variété Saijō-gaki, cultivée notamment dans l’ouest du Japon (et notamment dans la préfecture de Shimane, d’où proviennent les hoshigaki que nous proposons chez IMA) — que l’on épluche et suspend à l’air libre, dans le froid sec de l’hiver japonais. Chaque jour, ils sont massés à la main, pour que les tanins s’adoucissent et que le sucre remonte à la surface.
Ce procédé fait écho à nos traditions françaises de fruits séchés comme les figues ou les pruneaux — dont la version la plus célèbre, le pruneau d’Agen, est produite depuis le Moyen Âge dans le sud-ouest de la France. Aujourd’hui encore, certains producteurs perpétuent ces gestes à l’ancienne, à mi-chemin entre gastronomie et patrimoine.
Résultat : une texture moelleuse, un goût de fruit confit, sans aucun sucre ajouté. C’est un dessert ancien, simple, et pourtant raffiné, à savourer avec du thé ou un fromage affiné.
Hoshi-imo – Une patate douce séchée, comme un bonbon naturel
La patate douce séchée japonaise, ou hoshi-imo, est très différente de ce que l’on connaît en France.
Au Japon, ce produit est très apprécié en hiver, comme collation saine, douce et réconfortante. Il évoque le plaisir simple d’un fruit sec naturellement sucré, à la manière d’un pruneau ou d’un abricot moelleux.
Mais attention : tout réside dans la variété utilisée. Les « patates douces japonaises séchées » — ou hoshi-imo — doivent leur succès à des variétés spécifiques comme Beni Haruka, particulièrement adaptées à la déshydratation pour un résultat fondant et sucré. Les Japonais cultivent des patates douces spécifiques — comme Beni Haruka ou Annou-imo — particulièrement riches en glucides, à chair dense et peu fibreuse. Une fois cuites à la vapeur puis séchées lentement, elles deviennent fondantes et presque caramélisées.
En France, les patates douces sont souvent plus aqueuses, à chair orange vif, moins sucrées. Séchées, elles n’atteignent pas cette texture confite ni ce goût profond.
Le hoshi-imo japonais est donc un produit unique, à la croisée du terroir, de la variété et du temps de séchage.
Et le thé japonais ?
On l’oublie parfois, mais le thé japonais est lui aussi un aliment séché, tout comme d’autres produits emblématiques tels que le « thé vert japonais sencha matcha ». Au Japon, les feuilles de thé sont d’abord rapidement passées à la vapeur pour stopper leur oxydation avant d’être roulées, séchées et façonnées. Qu’il s’agisse de feuilles de sencha, de houjicha grillé ou de poudre de matcha, toutes ces formes de thé sont issues d’un processus minutieux de récolte, de traitement thermique et de déshydratation. Ce traitement à la vapeur est une caractéristique propre au Japon et se distingue de la torréfaction directe (dans un chaudron ou un récipient chauffé) utilisée dans la plupart des autres pays producteurs, notamment en Chine. Ce procédé de vapeur préserve la couleur vert vif des feuilles ainsi que leur profil aromatique frais et végétal — un trait caractéristique du thé japonais.
Le thé séché — ou « thé japonais séché » — concentre non seulement les arômes végétaux et floraux, mais aussi les bienfaits antioxydants. Il constitue une source reconnue de bienfaits pour la santé, notamment à travers le « matcha » et ses vertus uniques, souvent recherchées sous le mot-clé « bienfaits du thé matcha ». Le matcha, en particulier, est très apprécié en France pour sa richesse en catéchines, sa fraîcheur en bouche et sa capacité à se décliner aussi bien en boisson qu’en cuisine.
Chez IMA, nous proposons une sélection rigoureuse de thés japonais, à savourer seuls ou accompagnés de douceurs comme les hoshigaki ou les hoshi-imo.
Ce que le séchage révèle
Conserver, oui. Mais aussi sublimer.
Le séchage, au Japon, est un geste de soin. Il permet aux aliments de traverser les saisons, tout en gagnant en intensité. Il les rend parfois meilleurs, plus riches, plus faciles à digérer.
Chez IMA, nous croyons à ces produits du temps lent – symboles d’une alimentation japonaise authentique, nourrie par la patience et le respect des cycles naturels, et incarnée par des produits séchés artisanaux japonais aux bienfaits durables. Shiitaké sur bois, kaki d’hiver, patate douce confite au soleil – ce sont des ingrédients simples, mais riches de sens, de goût et de bienfaits.
Le séchage est aussi une méthode durable, respectueuse de l’environnement : il permet de limiter le gaspillage, de réduire les besoins en transport frigorifique, et de profiter des bienfaits des produits toute l’année. Goût, santé, planète… toutes les raisons sont bonnes pour essayer ces trésors du temps.
À découvrir. À adopter.
Sources
- Documents du Shōsōin (正倉院文書), VIIIᵉ siècle – mention de poissons séchés
- Engishiki (延喜式), 927 – mention de l’envoi d’algues kombu séchées
- JETRO Japan Food – Shiitaké
- Ministère de l’Agriculture, Forêts et Pêches du Japon (MAFF) – Saijō-gaki (en anglais)